À l’heure où le séisme du tout numérique a définitivement bousculé, voire peut être même éradiqué, notre savoir-faire argentique, « l’impression » des calages optiques est devenue une pratique en voie de disparition. Et même, il faut le dire, considérée par certains de nos confrères comme totalement démodée.
Puisque mieux vaut tard que jamais et que tout le monde aime le vintage, c’est donc le moment idéal de vous proposer un article sur la mire de Foucault. Eh oui ! Plutôt que de parler de nouveautés, pourquoi ne pas dépoussiérer un peu les fondamentaux !!
Électros, machinos, assistants caméra… nous sommes tous des artisans formés entre pairs. Au fil du temps et au gré des évolutions techniques, inévitablement certaines pratiques et certains savoirs se perdent. La transmission de notre savoir-faire se limite malheureusement trop souvent à la reproduction bête et méchante de nos méthodes de travail et ne se concentre jamais assez sur les raisons et les fondements de ces méthodes.
Avec la mire de fixité, la mire de Foucault est et restera pour une génération d’assistants en voie d’extinction tout un symbole des essais en argentique, et il nous est apparu pertinent de revenir sur l’origine et les raisons de son utilisation. Car oui, loin des idées préconçues auxquelles nous nous devons de tordre le cou (notamment au sujet du « 50x la focale »), la mire de Foucault renferme quelques secrets qu’il est encore temps de dévoiler.
Chers lecteurs, profitons donc de cet article pour mener une enquête qui nous permettra de revenir à la base de la base de nos essais, et éviter que la mire de Foucault bien rangée dans nos tiroirs ne demeure à jamais incomprise…
1 • Aux origines de la mire de Foucault
Pour tenter de connaître l’origine de sa création, il était évident qu’il fallait revenir avant toute chose sur l’identité de ses créateurs. Qu’il s’agisse de la planche 1 ou de la planche 2, les mires s’intitulent : Mire Universelle de FOUCAULT, d’après G.BIGOURDAN.
Après maintes et longues investigations sur les personnes de FOUCAULT et BIGOURDAN, il apparaît que les deux hommes ont joué un rôle capital dans le monde de l’Astronomie à la fin du 19e siècle. Mais bien qu’ils furent contemporains l’un de l’autre, absolument rien, aucun sujet, ni aucun texte ne relate une quelconque relation professionnelle ou amicale entre eux. Plus étonnant encore, rien, absolument rien, aucun sujet, ni aucun texte n’associe explicitement ces deux hommes à la création de la Mire Universelle.
Cette absence de citations de la Mire Universelle dans les différentes biographies de Léon FOUCAULT s’expliquerait-elle par la futilité de son invention en comparaison de ces expériences et autres innovations ?
En effet, Léon FOUCAULT (1819-1868), homme de génie et éminent scientifique, est surtout connu pour ses résultats obtenus concernant la vitesse de la lumière, la mise en évidence du mouvement de la Terre et ses remarquables capacités d’expérimentateur… Rien que cela ? La liste de ses inventions et avancées scientifiques est longue et ses distinctions non des moindres : Officier de la Légion d’honneur et Membre de la Royal Society… Et pour l’anecdote, son nom est même inscrit sur la Tour Eiffel.
Pour en revenir à notre article, c’est ici sa qualité d’expérimentateur qui va nous intéresser. Car c’est à force de recherches et de précisions que Léon FOUCAULT n’a d’autre choix que d’inventer et de se fabriquer ces propres outils de caractérisation. Ceci afin de mener à bien ses expériences et d’améliorer ces instruments de mesure.
Alors que nos investigations aux confins de la toile s’annonçaient vaines, c’est au détour d’un lien qu’un document nous est apparu : un ouvrage de 650 pages intitulé « Recueil des travaux de Léon FOUCAULT » daté de 1878 et publié par sa mère.
N’ayant pas le courage de lire ces 650 pages, mais ayant tout de même l’envie d’y trouver quelques informations, nous découvrîmes par chance en fin d’ouvrage une vingtaine de pages de schémas et de dessins mécanico-technico-scientifiques tout aussi exhaustifs et fascinants les uns que les autres.
À première vue, pas de Mire Universelle à l’horizon.
C’était sans compter sur la curiosité de l’assistant caméra qui nous pousse à nous attarder plus longuement sur une série de schémas optiques située sur la page 644 et intitulée : « Mémoire sur la construction des télescopes en verre argenté ».
Évidemment, les figures représentées nous rappellent nos vieux cours d’optique et « i/O », mais c’est la figure 18 qui nous interpelle.
Le GRAAL !!!!!!!
C’était inespéré ! Ce petit dessin parmi tant d’autres nous permettait enfin d’associer la Mire aux travaux de FOUCAULT et figurait les prémices de la Mire Universelle que nous connaissons !! Voici un extrait issu du chapitre « Mémoire sur la construction des télescopes en verre argenté » au sujet de la figure 18 :
Bien que la fin du paragraphe invite à se noyer dans les équations, il n’y avait plus aucun doute. Nous avions bien là une description de ce qui ressemble aujourd’hui à la Mire UNIVERSELLE ! La paternité de FOUCAULT semblait par conséquent acquise. Pour améliorer ces télescopes, FOUCAULT avait ainsi réalisé ce qu’il baptise des « mires d’épreuve ».
Néanmoins, comment le simple motif de la figure 18 était-il devenu la Mire Universelle de FOUCAULT que nous connaissons ?
C’est du côté de chez Guillaume BIGOURDAN (1851-1932) qu’il faut aller chercher la réponse.
2. La contribution de Guillaume Bigourdan aux mires d’épreuve de Foucault
Si Léon FOUCAULT a une biographie à donner le vertige, il n’est pas une exception. Quand on lit celle de Guillaume BIGOURDAN, on se demande bien comment la résumer en quelques lignes. Pour faire connaissance avec le bonhomme, il est préférable que vous jetiez un coup d’œil sur la page Wikipedia qui lui est dédiée :
« Guillaume Bigourdan (1851 – 1932) est un astronome à l’Observatoire de Paris et président de l’Académie des sciences. Il est connu pour sa méthode de mise en station des télescopes encore utilisée par de nombreux astronomes amateurs. Son œuvre principale est l’étude des nébuleuses qui lui a valu d’être distingué de la médaille d’or de la Royal Astronomical Society de Londres en 1919. » (Source Wikipédia)
Comme énoncé précédemment : « Rien, absolument rien, aucun sujet, ni aucun texte ne relate une quelconque relation professionnelle ou amicale entre les deux hommes. Plus étonnant encore, rien, absolument rien, aucun sujet, ni aucun texte n’associe explicitement ces deux hommes à la création de la Mire Universelle. »
En désespoir de cause, nous avons finalement pris directement contact avec l’Académie des Sciences de PARIS pour espérer en apprendre un peu plus. Notre interlocuteur bien que ne saisissant pas très bien l’intérêt de nos recherches, mais consciencieux dans son travail, nous invita dès lors à contacter à l’Institut de la Vision à Paris le Docteur (et Professeur) José-Alain SAHEL. Là aussi par curiosité, allez jeter un coup d’œil à la page Wikipedia de ce Grand Monsieur. Cela force le respect, et il y a de quoi être un peu embarrassé et hésitant à déranger une telle sommité pour connaître quel rôle a bien pu jouer BIGOURDAN dans le développement d’une mire aujourd’hui en voie de disparition ! Mais si la Mire Universelle porte son nom, c’est qu’il doit bien y avoir une explication.
Légitime dans notre recherche, quelques mots sont donc envoyés par mail au docteur Sahel :
Quelques jours plus tard, c’est un autre Monsieur, Guillaume CHENEGROS, qui finalement nous répond :
Mais qui est donc Guillaume CHENEGROS ?
« Guillaume CHENEGROS est Maître de Conférences à l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC) – Paris 6, et membre actif de l’Institut de la Vision. Physicien spécialisé dans le traitement de l’image et le développement instrumental, il a développé dans le laboratoire aérospatial français (ONERA) une méthode de déconvolution 3D originale appliquée aux images rétiniennes pendant son doctorat. (…) Ses recherches actuelles portent sur l’utilisation de la stimulation événementielle avec des technologies d’assistance pour les personnes atteintes de troubles de la vision et le développement de dispositifs médicaux. » (Source : Institut de la Vision)
Une fois de plus il y a de quoi ravaler sa salive et préparer ses mots. Une chose est sûre : Guillaume CHENEGROS connait « ce genre de mire ». Il est notre homme !
Le coup de fil s’avère très amical et passionné. Guillaume CHENEGROS nous apprend qu’en effet FOUCAULT utilisait ce type de mire pour ses travaux et qu’il en était le créateur, mais à l’époque, son utilisation lui était dévolue. Pour FOUCAULT, ces mires étaient bien plus considérées comme un outil personnel et pratique de caractérisation que comme un outil de référence universel dont il aurait pu développer le potentiel.
C’est ici qu’intervient Guillaume BIGOURDAN.
Pour l’histoire, ce serait à BIGOURDAN que nous devons la forme actuelle de la mire avec les motifs en diagonale à 45° permettant de mettre en évidence l’astigmatisme. C’est certes FOUCAULT qui a élaboré la mire, mais nous devons à BIGOURDAN sa diffusion et sa distribution. C’est en parallèle de ses travaux à l’Académie des Sciences que BIGOURDAN se serait approprié les dessins de la mire de FOUCAULT (alors décédé) pour en développer le concept et répandre son utilisation. À l’époque, la mire s’appelait alors Mire de BIGOURDAN, jusqu’à ce que des détracteurs incitent par la suite BIGOURDAN à rétablir le nom de FOUCAULT sur la mire.
D’où le nom qu’elle porte aujourd’hui : « MIRE UNIVERSELLE de Foucault. D’après G. Bigourdan ».
Ce qui semble être aberrant de nos jours est que FOUCAULT n’ait jamais breveté sa mire, ni même BIGOURDAN par la suite. La Mire Universelle de FOUCAULT n’aurait pas de « copyright » ! C’est impensable ! Et pourtant rien n’indique la présence d’une création déposée ou d’une protection au titre de la propriété intellectuelle. Cette absence de droits pourrait expliquer entre autres comment les motifs de la mire de Foucault se retrouvent aujourd’hui dans toutes les autres mires dédiées pour le Cinéma et la Vidéo.
Quelques exemples de mires reprenant le motif de Foucault
Croyez-le ou non, le chemin parcouru à l’écriture de cet article pour rétablir l’histoire de la mire fut long et laborieux, une véritable enquête. Cette difficulté à retrouver toutes ces informations peut paraître totalement surréaliste concernant la Mire Universelle de FOUCAULT qui est pourtant pour nous un outil tellement commun et évident dans notre métier.
Mais bien que nous connaissions désormais dans les grandes lignes son origine, reste maintenant un autre mystère à élucider : comment cette Mire Universelle a-t-elle été détournée de son domaine de prédilection, à savoir l’Astronomie, pour atterrir sur les bancs de préparation de nos essais caméra ?
3. Où l’on tente de comprendre comment la mire de Foucault est passée des télescopes à nos bancs d’essai caméra ?
C’est là où l’histoire se corse malheureusement. Aucune source ne nous a permis de retracer l’historique et l’origine de nos méthodes de calages avec la mire de Foucault. Comme si tout un pan de l’histoire de notre profession avait disparu. Comment cela est-il possible !!?
Selon la légende à l’international, nous, irréductibles Gaulois, sommes les seuls à pratiquer les impressions de calage avec la mire de Foucault. Cela fait un peu partie du coup de la tradition française du cinéma. Il y a de quoi être fier, mais cela pourrait aussi expliquer pourquoi du fait de cette exclusivité nationale et de l’aspect artisanal de la transmission de nos savoirs, l’histoire de nos essais s’est sédentarisée et perdue. Même nos plus vaillants et valeureux collaborateurs techniques des différents ateliers et services optiques bottent en touche.
Quant aux différentes sources technico-littéraires, les informations pertinentes sont inexistantes. Il n’y a que le livre de Pierre BRARD intitulé « TECHNOLOGIES DES CAMÉRAS – Manuel de l’Assistant Opérateur » qui pourrait nous mettre éventuellement sur une piste. En effet dans cet ouvrage, la mire de FOUCAULT possède un tout autre nom : la mire dite « ALGA ».
Entre les différentes éditions du livre, pas évident de dater précisément à quel moment la mire de Foucault est devenue la mire « ALGA ». Néanmoins une question se pose : si à l’époque, les membres de l’atelier de Alga Samuelson s’étaient appropriés la mire de FOUCAULT pour établir un protocole d’essais de calage, pourquoi la mire utilisée ne porterait-elle pas le nom de la société à l’origine de cette méthode ? Bien sûr tout cela n’est que supposition, mais force est d’admettre qu’il doit y avoir un lien ! Il est important de noter que la mire dite « ALGA » est réduite à 9 motifs et qu’il est écrit dans l’annotation de la fig. 207 « pour réaliser des essais à 50x la focale en 35mm ou 100x la focale en 16mm ».
Yves AGOSTINI, cadreur connu et reconnu, ne croit pas avoir déjà entendu parler un jour de cette appellation dite « ALGA », mais il se souvient qu’il utilisait déjà la mire de Foucault à ses débuts dans l’assistanat en 1964. En ce temps, il n’existait que deux prestataires : ALGA et CHEVEREAU. Que cela soit chez l’un ou chez l’autre, selon lui les pratiques avec les mires étaient les mêmes et étaient déjà bien établies.
À ce stade, nous pouvons seulement imaginer le scénario suivant : Grâce à BIGOURDAN qui en son temps joua un rôle capital dans la démocratisation et la diffusion de la mire de FOUCAULT, l’utilisation de la mire n’était plus restreinte seulement aux laboratoires d’astronomie, mais accessible à toutes les formes d’études d’optique/physique, et ce probablement jusqu’à la prise de vue photographique.
La toute première société de location de caméra en FRANCE fut CHEVEREAU qui ouvrit ses portes en 1937.
À cette époque, les grands studios étaient les seuls propriétaires de matériel et avaient la main mise sur les caméras. Pas facile par conséquent de tourner en indépendant. L’idée de CHEVEREAU fut de proposer une alternative à cette suprématie. Cela profita entre autres au cinéma étranger et surtout américain venu tourner en France puis quelques décennies plus tard à la Nouvelle Vague. Jusqu’en 1950, CHEVEREAU fut la seule société de location de caméras en France, date à laquelle quatre directeurs de la photographie et clients de la société décidèrent de monter ensemble leur propre affaire : la société ALGA.
Petit rappel historique : la société ALGA tient son nom de l’utilisation alternativement des deux premières lettres des noms de deux de ses fondateurs AGOSTINI et LALLIER.
D’aussi loin que nous puissions remonter dans l’histoire des prestataires CHEVEREAU et ALGA, il semble que la mire de Foucault ait toujours été là. Peut-être était-elle déjà utilisée chez Pathé et Gaumont pour la vérification des objectifs ou pour la vérification des projections? Ou peut-être que non ? Peut-être qu’un jour, au détour des pages d’une revue d’optique, un technicien ou assistant tombant sur une publication concernant la mire de Foucault a eu la présence d’esprit de la détourner et de l’apporter sur son banc d’essai chez CHEVEREAU ? Difficile de se satisfaire d’autant de suppositions.
Et si finalement c’était une influence étrangère qui avait introduit la mire et nous avait conduits à l’utiliser. Voilà un scénario tout à fait probable et qui nous vient de Michel Baptiste, membre de la CST et concepteur des mires de définition CST pour le film.
Les souvenirs de Michel Baptiste remontent aux années 70. Il nous explique qu’à l’époque en France, les techniques d’expertise et de caractérisation entre la photographie, le cinéma et l’imprimerie étaient très liées et beaucoup utilisaient pour leurs vérifications et tests une mire avec des motifs octogonaux et non la mire de Foucault.
En ce temps, la mire CST utilisée en essais fonctionnait d’ailleurs sur ce principe.
Ces motifs n’étaient malheureusement pas évidents à lire, et les mires de Foucault ou mire « ALGA » étaient préférées pour les lectures. C’est pour proposer une alternative plus adaptée à nos pratiques que Michel Baptiste conçoit les mires de définition CST (vues précédemment) inspirées non pas des motifs de la Mire Universelle mais plutôt des mires SMPTE de l’époque utilisées par les Américains.
En voici un exemple :
La SMPTE, c’est la Society of Motion Picture and Television Engineers, une sorte de CST américaine, qui officie depuis 1916 et qui fut une référence pour Michel Baptiste.
D’habitude quand on entend parler de Mire SMPTE, c’est plutôt ce genre de mire qui nous vient en tête :
Mais la SMPTE, ce n’est pas que ça. Tout comme la CST, la SMPTE a tout au long de son activité conçu des mires de différents types en adéquation avec les pratiques et au gré des évolutions techniques dans le domaine du cinéma et de la télévision. À défaut de trouver des pistes dans le cinéma, c’est justement du côté de la télévision qu’il nous faut nous intéresser. Beaucoup se souviendront de la mire Philipps PM5544 :
Surprise, il est impossible de ne pas remarquer la mire composée de lignes alternativement blanches et noires et de plus en plus serrées. Les mires pour la télévision, voilà une piste qui à tort n’avait pas encore été envisagée et qui va nous permettre de remonter le temps plus loin que nous l’aurions espéré.
La première mire Philips fut introduite au début des années 70 pour devenir plus tard une référence dans les années 80. La première mire SMPTE semble quant à elle avoir fait son apparition au début des années 60 sur la BBC. Elle fut la première mire test « 625 lignes » diffusée au Royaume-Uni. La SMPTE avait à l’époque conçu une mire « 525 lignes » mais celle-ci subit quelques modifications afin de correspondre aux critères de diffusion de la BBC.
En France, la plus ancienne mire digne de ce nom fait son apparition sur les ondes française à partir de 1953. Utilisée durant toute la période de la RTF et de l’ORTF, elle bien connue sous le nom évocateur de la « mire au cheval de Marly ».
Au plus loin qu’il est possible de remonter dans l’histoire de la télévision, la toute première mire utilisée fut la mire « TEST CARD A » par la BBC au milieu des années 30 :
Devant les différents éléments permettant l’analyse du contraste et de la résolution des mires ci-dessus, il est impossible de ne pas y voir les prémices de la mire Siemens et l’influence de la mire de FOUCAULT. Nous sommes à présent dans les années 30 et notre machine à voyager dans le temps s’arrête ici.
De la même façon que Michel Baptiste s’est inspiré des travaux de la SMPTE pour concevoir les mires de définition de la CST, il est fort à parier que l’évolution des mires pour la télévision doit être liée de près ou de loin à l’évolution des mires pour le cinéma. Et il est aussi fort à parier qu’après la Seconde Guerre mondiale, l’arrivée des équipes de tournages étrangères chez CHEVEREAU favorisa les échanges et influença les méthodes de travail de chacun.
À ce propos, dans les années 50, les Américains utilisaient quant à eux un autre type de mire développé par l’US AirForce : la mire USAF 1951.
Il paraît évident que dans la généalogie de cette mire, le travail de Foucault doit bien apparaître quelque part. Et pourtant, selon WIKIPEDIA c’est le travail d’un autre physicien qui est associé à l’USAF 1951, celui d’un italien : Vasco RONCHI.
Vasco RONCHI (1897-1988) est connu pour son travail dans le domaine de l’optique (ce qui n’est pas vraiment une surprise !) mais surtout pour avoir développé des méthodes de tests optiques à l’aide d’appareillages simples comme « The RONCHI Ruling » qui porte son nom. En voici quelques représentations :
Il s’agit bien là du même motif que celui de la figure 18 de Foucault, mais les spécialistes préféreront parler dans le cas RONCHI de « réseau ». Les travaux de FOUCAULT ayant été publiés en 1878, force est d’en constater l’influence sur le travail de RONCHI. Le « RONCHI test », dont « the RONCHI Ruling » est l’outil, n’est autre qu’une variation du FOUCAULTAGE : méthode inventée par FOUCAULT permettant entre autres de déterminer l’emplacement précis du foyer d’un système optique. À noter que la particularité de la « grille ou règle de RONCHI » (permettez la traduction grossière) est d’être utilisée sur verre par transparence.
Irrémédiablement, tout est lié mais les origines malheureusement nous échappent. Tout comme avec cette photo des années 50…
Troublant et fascinant. Cela ne vous rappelle rien ? Cette configuration d’essais est plus que familière. Oui, mais là on est en 1955 avec un technicien en train de vérifier le point sur un appareil KODAK CHEVRON.
Vous remarquerez que la mire utilisée ici pour la vérification de ces appareils photo ressemble fortement à l’USAF 1951. Sans doute s’agit-il d’une de ces petites cousines? Vous remarquerez aussi forcément la présence des mires étoilées dites « SIEMENS » dont il nous a été impossible d’en dater l’apparition et qui donne à ce banc d’essai un aspect tellement actuel.
Et enfin, vous remarquerez sur cette photo, la disposition des mires sur les côtés permettant de quadriller le champ de cet appareil photo. Il y a de quoi être frappé par la similitude avec notre façon de faire.
Cette photo, aussi pertinente soit-elle pour l’enquête qui nous concerne, fut découverte sur le site de Kodak dans la frise chronologique retraçant les étapes importantes de la société et illustre au milieu des années 50 le déploiement de son marché et la création de plus de 73000 emplois à travers le monde. Aucune indication ne précise le lieu où la photo fut prise, mais tout porte à croire que ce fut aux États-Unis.
De par l’aspect empirique de notre profession, il est certain qu’en France l’utilisation de la mire de Foucault n’a pas donné lieu immédiatement à un protocole d’essais établi comme celui que nous connaissons aujourd’hui. Au fil du temps, chaque prestataire et chaque opérateur, au gré des échanges et des collaborations, se seront forgés leur propre méthode. Preuve en est, l’extrait sur la mire dite « ALGA » énoncé un peu plus haut. L’évolution des caméras et des objectifs a assurément joué un rôle dans l’évolution des essais. Et il est certain que, vers la fin des années 70 – début 80, la standardisation des tirages mécaniques ARRI et PANAVISION ainsi que l’arrivée des feuilles de calage chez les loueurs ont beaucoup contribué à la normalisation d’une méthode d’essais de calage et de définition.
Ces premières feuilles de calage, nous les devons à Pierre COCQ qui officiait durant cette période en tant que responsable du service optique de Alga Samuelson (ou SAMALGA pour les puristes). Fruit d’une réflexion avec le département caméra, ces feuilles apportèrent une nouvelle rigueur dans le calage des optiques et permirent de faciliter et clarifier les échanges entre techniciens et assistants. Difficile de croire que ces feuilles n’aient pas toujours existé…
En invitant chaque utilisateur à la même pratique, la mise en circuit de ces feuilles est un facteur et témoin essentiel dans la normalisation de nos méthodes.
On imagine dans les décennies qui suivirent que la multiplication des loueurs et des écoles aura surement aussi contribué à installer définitivement la transmission et l’apprentissage des mêmes pratiques que celles décrites dans le livre d’Olivier BENOIST & Philippe COROYER paru en 2002 et intitulé « LES ESSAIS CAMERA – Une mission de l’assistant opérateur ».
Finalement très peu d’éléments et de témoignages nous permettent de retracer fidèlement et précisément l’historique de la mire de Foucault dans les essais caméra. Oublié, disparu, il paraît impensable que des fondamentaux de nos métiers n’aient pas d’explications !
4 • De la bonne utilisation des mires de Foucault et de l’idée reçue des 50x ou 100x la focale
Venons-en à parler de la mire de Foucault en elle-même. Vous l’aurez bien compris maintenant, la mire de Foucault n’est pas une mire dédiée au cinéma et encore moins aux essais caméra. Par conséquent, il n’y a pas de règle ou de loi optique qui nous obligent en essais à l’utiliser à une distance donnée et encore moins à 50x la focale !!!!!
La Mire UNIVERSELLE de FOUCAULT d’après G. BIGOURDAN permet de caractériser l’acuité visuelle du seul appareil optique propre à chaque utilisateur : l’œil humain. Oui, oui. Et c’est même écrit dessus : (…) « vus à 10 mètres ».
Cette explication des numéros peut paraître un peu obscure et mérite une traduction. Et puis mince, c’est quoi une seconde d’arc ? Sans plus attendre, voici un extrait ludique d’un article sur les télés HD trouvé dans la revue CPC HARDWARE qui vous aidera à y voir plus clair :
Jusque là pour ceux que n’ont jamais été fort en mathématique, l’explication est claire !!!
Ces fameux numéros de la mire de Foucault sont donc des secondes d’arc et permettent de mesurer l’acuité visuelle seulement vue à 10 mètres. Si la mire avait été conçue pour être vue à 5m, la numérotation aurait été différente. L’équation mathématique est la suivante :
Dans notre cas, imaginons que notre télévision est la mire de FOUCAULT vue à 10m, et que nous arrivons à distinguer la séparation des traits jusqu’au motif numéro 20. Nous avons donc une acuité visuelle de 20 secondes d’arc : ∝=20″.
Pour ceux ou celles qui chercheraient à clarifier par les mathématiques un peu tout ça, un peu de trigonométrie oblige.
• Tout d’abord, convertissons les seconde d’arc en degré comme vu dans l’extrait ci-dessus :
NB : N’ayant pas les outils d’intégrations adéquates à l’écriture des équations qui vont suivre, certaines formules ne sont pas restituées en bonne et due forme.
Prenons l’exemple de la lecture du motif numéro 20.
Si 1 seconde d’arc est égale à 1/3600°,
∝=20 »= 20 x 1/3600 = 0,005555555556°
A est notre œil et BB’ est la distance en mètre des axes de deux traits noirs consécutifs du motif numéro 20 de la mire où a =BB’/2.
Ensuite rappelons que dans le triangle ABC :
– tan A = a/b
– L’angle A du triangle ABC est ici égal à ∝/2
– et b est notre distance œil-mire : 10m
Si BB’ est notre inconnue :
tan (∝/2) = (BB’/2)/10,
(tan (∝/2)) x10= (BB’/2),
BB’=((tan (∝/2)) x10) x2
BB’≅ 0,00097m’≅0,97mm soit 1mm environ. Résultat qui mesuré à la règle métallique sur la mire semble concorder.
Conclusion : si à une distance de 10m, nous arrivons à lire le motif numéro 20 de la mire, cela signifie que nous sommes capables de lire à 10m deux traits consécutifs dont les axes sont distants d’1mm environ.
Mais alors pourquoi se mettre à 50X la focale en essais caméra ???
À 50x la focale avec un 50mm par exemple, la mire devrait être placée à 2,50m, et l’on est bien évidemment loin des 10m requis pour l’interprétation des numéros. Rien ne sert de chercher une cohérence là dedans puisqu’il n’y a pas de logique.
Concernant le 50x la focale en 35mm, il doit seulement s’agir d’une recommandation, puisqu’aucune règle ne l’explique, ni ne le justifie. Peut-être que pour correctement disposer les mires sur le banc et pour des raisons de confort ce facteur de distance avait été adopté ? Peut-être aussi que le 50x la focale était un bon compromis pour échapper les déformations dans des distances trop courtes et éviter des lectures pénibles réalisées avec des distances trop longues ?
À noter tout de même qu’aucune feuille de calage dans ses préconisations de distances d’essais ne respecte réellement le 50X la focale !!!
Les mires CST de définitions les plus connues (celles conçues par Michel Baptiste pour la vérification du calage en argentique) sont les mires au grandissement 50x et les mires au grandissement 100x.
Par défaut, les conventions et différentes littératures attribuent la mire 50x au 35mm et la mire 100x au S16. Mais il y a là une confusion confirmée par Michel Baptiste. L’idée de se mettre à 100x la focale en S16 est de pouvoir garder la même taille d’impression que les mêmes mires impressionnées à 50x la focale en 35mm, et cela fonctionne avec une Mire Universelle de Foucault.
Dans le cas de la mire CST 100X qui est nous le voyons bien 2x plus grande que la mire 50X, cela ne fonctionne pas. On obtiendrait à 100x la focale une mire impressionnée 2x fois plus grande!!!! Il n’y a donc aucun lien ici entre les mires aux grandissements 50X et 100X et un facteur de distance en fonction du type de film utilisé.
Les mires de Michel Baptise fonctionnent ainsi : concernant par exemple le motif n°25 de la mire au grandissement 50x, il faut entendre par là 25 paires de lignes par mm agrandis 50X.
Si on a 25 paires de lignes noires et blanches par mm, alors 1 paire (soit une barre blanche suivie d’une barre noire) mesure 0,04mm. Lorsqu’elle est agrandie 50X, on obtient une paire qui mesure 2mm (comme sur la photo ci-dessus).
Là ou cela devient intéressant, c’est lorsque la mire agrandissement 50x est filmée à « 50x la focale ». Avec un rapport de grandissement identique à celui appliqué à la distance de mise au point, l’opération permet d’obtenir une image impressionnée où une paire de lignes noires et blanches mesure 0,04mm, et où 25 paires de lignes peuvent mesurer 1mm. L’interprétation de la numérotation des motifs est dans ce cas possible. Il y a bien entendu des mathématiques derrière tout cela et c’est à Thalès que nous le devons ! À cet effet, il est à noter que le 50x la focale s’applique à partir du centre optique, et non à partir du plan film. C’est par conséquent 51x la focale qu’il faut appliquer comme distance de mise au point.
Idem pour la mire 100x. Pas plus.
Aujourd’hui, il est très difficile de trouver spécifiquement ces mires autrement que directement en s’adressant à la CST et quelle n’a pas été notre surprise à l’ouverture des boites les contenant !!
Disponible en noir ou en blanc, il existe aussi d’autres mires au grandissement 80x, 63x, 40x, 31,5x et 25x.
Mais à quoi ces mires pouvaient bien servir ?
L’idée de Michel Baptiste était simple : permettre à l’assistant de pouvoir choisir la taille de mire en fonction de sa distance d’essai, et par exemple dans le cas d’un calage de zoom avec d’une distance d’essai fixe, permettre à l’assistant de pouvoir choisir la taille de mire adéquate en fonction de la focale testée.
Concernant les mires de définition de la CST agrandissement 50x et 100x, le « 50x » et le « 100x la focale » trouvent ici une justification mais pas de lien avec le 35mm ou le S16.
Pour en revenir à notre sujet, avec la Mire Universelle, l’intérêt majeur de faire ces impressions avec le même facteur de distance en fonction de la focale est de garder pour chacune de ses impressions la même taille d’image et de pouvoir par la suite comparer avec pertinence le pouvoir de résolution de ces optiques grâce à la numérotation de ses motifs. Le mot comparer est très important, car il ne s’agit pas là de quantifier ou qualifier.
Mais alors 50x, 30x ou 40x, finalement peu importe?
Tous les témoignages recueillis s’accordent tout de même pour dire qu’à 50x la focale, il est admis que la focalisation proche de l’infini permet de caractériser les objectifs au plus près de leur domaine d’optimisation grâce au parallélisme des rayons. Bon d’accord, mais avec une monture PL par exemple, un 50mm en 35 reste un 50mm en S16 et puis la cote de tirage reste la même !!!! Alors en quoi en S16, la focalisation des rayons proches de l’infini serait plus à 100x la focale : à cause du cercle de confusion ?!!!
Alors effectivement avec un 50mm par exemple, le logiciel Pcam nous indique que les données d’hyperfocale et de profondeur de champ double (presque) entre le cas 35mm à 50x la focale et le cas S16 à 100x la focale, et oui, le cercle de confusion joue un rôle important dans ces équations. Néanmoins nous sommes loin du parallélisme escompté des rayons, les résultats obtenus dans les exemples ci-dessus montrent bien que les hyperfocales (env. 60m en 35mm et 100m en S16) sont très éloignées des distances de mise au point affichées.
Finalement, que faut-il en penser ??
Difficile pour l’instant de conclure par une explication claire, limpide et surtout « optico-mathématique » !
Nous avons seulement une certitude : que les rayons soient parallèles ou non, la comparaison d’un groupe d’objectifs à l’impression en fonction de la focale avec un rapport constant reste pertinente. Cet essai devait trouver toute sa justification il y a plusieurs dizaines d’années lorsque les séries d’objectifs étaient bien moins évoluées et homogènes qu’à l’heure actuelle. Aujourd’hui dans une moindre mesure, il peut être pertinent pour des tests poussés ou dans les associations d’optiques de série dépareillée par exemple, ou encore dans le cas d’un casting de focales ou d’un casting de zooms.
À présent en quoi un objectif serait plus optimisé à 50x la focale plutôt qu’à 30x ou 40x? La mire de Ivan PUTURA doit quant à elle être utilisée à 60X la focale si vous souhaitez bénéficier de ses possibilités de caractérisation et interpréter les résultats obtenus. (cf. notice de la mire Putura) Le rapport 60x n’est pas si loin du 50x, cela ne doit donc pas être un hasard !? Voici ce qu’indique la notice à ce propos :
Traduction : La formule « 60 fois » a été choisie pour la commodité du calcul. (..) Cinq mires ou plus peuvent être placés pour vérifier les zones clés du film.
« For convenience of calculating » d’accord, mais formule qui permet aussi de disposer au moins 5 mires sur un même plan d’essai !
Ici pas de loi optique pour justifier le 60x la focale, mais plus des raisons pratiques. Aussi tout comme avec la Mire Universelle, il est important de souligner que même si la numérotation des motifs de la mire a été conçue pour évaluer à 60x la focale la netteté, cela n’empêche en rien son utilisation pour une vérification de calage et de définition avec n’importe quel système de prise de vues et à n’importe quelle distance.
… Et si, et si, et si… tout simplement, le pratique du 50x la focale avec la mire de Foucault n’était pas due à une explication théorique, mais à une méthodologie empruntée à l’utilisation d’une autre Mire.
Revenons-en au livre de Pierre Brard si vous le voulez bien. Nous en avions parlé un peu plus haut au sujet des mires dites ALGA qui selon les pratiques décrites devaient être utilisées à 50x la focale en 35mm et 100x la focale en S16.
Dans la partie Mire de définition du livre (qui doit dater de la fin des années 60), les Mires dites ALGA ne sont pas les seules à officier à l’époque et se partagent les bancs d’essai avec une autre famille de mires, une référence : Les Mires du contrôle Technique du Cinema de la C.S.T. dont nous avons eu aussi un avant-gout au sujet des motifs octogonaux.
Cette Mire, nous la devons à Jean Vivié qui officia à la CST dès sa création. Rappelons à ce titre que la CST fut à l’origine créée en 1944 afin de participer à la reconstruction du cinéma français ravagé par la Seconde Guerre mondiale. Avant cela, Jean Vivié s’adonnait déjà au contrôle qualité de la prise de vue cinématographique par le biais de sa propre revue intitulée : « Mesures », mais surtout par le biais de sa propre structure crée fin des années 30 : Le Contrôle Technique du cinéma, qui servira par la suite de matrice à la CST. Il est à noter que cela explique les deux nominations de la mire qu’il est possible de lire dans le livre de Pierre BRARD : Mire du Contrôle Technique du Cinéma ou Mire de définition de la CST.
Pierre Brard nous apprend que ces mires existaient à l’époque pour les quatre formats de films : 65mm, 35mm, 16mm et 8mm, et pour chaque cas, filmées plein cadre, correspondaient au grandissement 50 de l’image impressionnée. Tiens donc ! Ainsi en fonction du format, quelle que soit la focale utilisée pour la prise de vue, la taille d’impression de la mire restait la même. De cette façon, la mire impressionnée plein cadre permettait pour chaque objectif de comparer et caractériser visuellement la courbure de champ, les aberrations chromatiques, les défauts de distorsion et l’astigmatisme.
L’usage de la Mire de contrôle de la CST fit ses preuves pendant un temps, mais comme nous l’avait signalé Michel Baptiste, les motifs octogonaux furent dépréciés en faveur des motifs de Foucault ou de la mire dite « ALGA ». Préférées pour la praticité des lectures, elles finirent par devenir la référence.
Nous le savons, les bonnes vieilles habitudes ont la vie dure dans notre corps de métier et nous en avons encore ici un exemple qui s’avère être l’explication la plus plausible à toute notre histoire. Ce serait finalement la pratique bien réglée de la Mire de Contrôle de la CST qui fut appliquée et adaptée à la mire Universelle. Les motifs octogonaux furent remplacés par les motifs de Foucault tout en gardant la pratique du même ratio d’impression. Les mires de Foucault n’étant pas faites pour le cinéma et ne correspondant pas à un grandissement 50 de l’image enregistrée (quelle que soit la taille de film utilisé), le principe fut néanmoins en 35mm de garder le rapport 50x, et de l’appliquer à la distance focale pour déterminer la bonne distance de mise au point. Thalès le retour !!!
Quant au S16 (1.66) dont les dimensions sont approximativement 2x plus petite que celles du 35mm (1.66), c’est le rapport 100x qui fut admis afin de garder une cohérence dans les ratios d’impressions.
L’origine du 50x la focale avec les mires de Foucault se trouverait dans cette explication. Sceptique ? Il y a de quoi… mais cela se tient. Pour aller au bout de nos recherches, la question qu’il faudrait se poser à présent est la suivante : pourquoi le choix du grandissement 50x a-t-il été fait pour la Mire de contrôle ?
À ce sujet, Michel Baptiste nous répond. Durant la période d’exploitation de la mire, le 50mm était la focale prédominante au sein des tournages, et le grandissement 50x permettait d’obtenir des dimensions de mires convenables.
Finalement, outre le fait que la Mire Universelle ne soit pas une mire dédiée à la prise de vue photographique et cinématographique, que faut-il retenir de toute cette histoire ? Contre toute attente, Le 50x la focale n’est pas une règle d’or, et il n’y a pas de distance clé à la réalisation de vos vérifications. Certes les courtes distances facilitent les lectures et les différents ateliers connaissent bien les corrections de calages à apporter pour des résultats obtenus dans ces conditions d’essai, mais sur les plateaux chaque objectif est amené à être utilisé à toutes les distances possibles de mise au point : du minimum jusqu’à l’infini ! Si le 50x la focale était une recommandation, à notre tour peut-être aujourd’hui d’évoluer et de recommander à l’utilisateur de ne pas se restreindre à une seule distance d’essai. Les objectifs et leurs bagues de point sont tellement pleins de surprises. Des vérifications faites à l’infini, dans les courtes distances, mais aussi dans des longues distances intermédiaires permettent à coups sûrs d’avoir une vue d’ensemble de la course de point et d’y voir plus clair sur la façon dont vos objectifs se comportent.
Pour un article qui s’intitule « MIRE DE FOUCAULT : PETITE MISE AU POINT », il aurait été tout de même un comble de finir dans le flou !
5 • Quel avenir pour la mire de Foucault ?
Aujourd’hui, la « Mire Universelle de Foucault. D’après G. Bigourdan » est en train de disparaître tout comme les essais de calage et définition qui lui étaient associés. Cette disparition s’explique par plusieurs raisons :
- Il y a tout d’abord la disparition de l’argentique et des rigoureux essais d’impressions incombant à l’univers de la pellicule.
- Il y a ensuite la disparition de la matrice d’imprimerie des Planches 1 et 2 de la Mire Universelle qui a mis fin à sa production. Cela faisait des années que les boutiques écoulaient leurs stocks de Mire Universelle imprimées sur papier cartonné, et aujourd’hui ils sont vides.
- Et il y a enfin l’arrivée sur le marché d’autres mires plus adaptées aux nouvelles technologies comme la Putura ou les mires P.A.T. qui auront définitivement sonné le glas !
Si jamais un jour vous vous promenez du côté de la Place de Clichy, allez faire un tour dans le cimetière Montmartre. Vous y trouverez la tombe de Léon FOUCAULT. Pour un assistant caméra, rien de tel pour méditer.
Sur la stèle est gravée la liste de ses inventions les plus illustres, mais là encore la Mire Universelle fait partie des absentes. Le mince espoir que nous avions de trouver sur sa tombe un indice, un dessin ou une marque représentant le motif d’une « mire d’épreuve » était vain.
Même sur le logo de la CST, les motifs de Foucault ont disparu.
En repensant à tout cela, c’est amusant de se demander si nous ne sommes pas les derniers irréductibles à utiliser encore la Mire Universelle. Certains d’entre nous ont toujours leur version papier/cartonnée, tandis que d’autres utilisent à présent les versions améliorées de chez P.A.T..
C’est difficile à croire, mais le temps où la mire de Foucault sera plus facilement accessible dans les musées que sur les bancs d’essai n’est pas si loin.
Des mires, il y en a de plus en plus et il faut croire qu’il y aura toujours dans chacune d’elles un peu de FOUCAULT. Il faut tout de même vous avouer qu’à force de recherche notre obstination sur la paternité de Foucault nous aura joué quelques mauvais tours.
Néanmoins parmi les motifs découverts sur Internet, l’un d’entre eux gardera tout de même toute notre attention. À savoir : une variation de l’USAF-1951 réalisée à plus grande échelle par l’armée américaine pour les tests d’appareillage optique aérien. Il en existe plusieurs sur le sol américain. Nous vous proposons de finir cet article par un envol dans Google Maps.
Avec la mire d’épreuve, FOUCAULT cherchait à mieux observer les étoiles, c’est maintenant des étoiles que nous pouvons voir un peu de FOUCAULT.
• Edwards Air Force Base, Californie – USA •
• Fort Huachuca, Arizona – USA •
Merci cher(e)s lecteurs et lectrices !!
Et pour finir UN GRAND MERCI à tous ceux qui nous ont aidés de près ou de loin à l’écriture de cet article (par ordre alphabétique) :
Yves AGOSTINI,
Michel BAPTISTE – CST,
Jean-Pierre BEAUVIALA,
Edith BERTRAND – Angenieux,
Paul BLANCHON, Panavision Alga,
Sandrine CHAUMETON – Université de Limoges,
Guillaume CHENEGROS,
Natasza CHROSCICKI – Image Works,
Jacques DEBIZE,
Eric DUMAGE – AFC,
Patrick DUROUX – AFC,
Hugues FAURE – EMIT,
Xavier GATEAU – Panavision Alga,
Alain GAUTHIER,
Eric GUICHARD – AFC,
Laaziz KENICHE – Lenziz,
Jean-Yves LE POULAIN – Angénieux,
Michel LHERMENIER, Panavision Alga,
Fred LOMBARDO – RVZ,
Vincent MANNONI – La cinémathèque,
Pascal MARTIN – Louis Lumière
…
Un article d’Aurélien DUBOIS
Conseils, corrections et mise en page : Matthieu NORMAND
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Sources
http://mpimichelet.free.fr/foucault.html
http://ezomp2.omp.obs-mip.fr/patrimoine/newpage/expogb.htm
https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-00405048/document
https://www.obspm.fr/leon-foucault-a-l-observatoire.html
http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/L%C3%A9on%20Foucault/fr-fr/
http://www.faidherbe.org/~foucault/fichiers/pdf/biographie.pdf
https://fr.vikidia.org/wiki/L%C3%A9on_Foucault
http://docnum.unistra.fr/cdm/search/searchterm/foucault/field/creato/mode/all/conn/and/order/creato
http://www.universalis.fr/encyclopedie/mire-de-foucault/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_de_transfert_de_modulation
http://jubilotheque.upmc.fr/fonds-physchim/PC_000326_001/document.pdf?name=PC_000326_001_pdf.pdf